
Allez, ça faisait longtemps ! Bon en fait, pas tant que ça puisque mon dernier article « Et si on parlait » est sorti en mars 😅 Nous sommes aujourd’hui à la mi-avril, et c’est déjà le troisième du genre que je publie cette année 🤔 Mais je suis tombée récemment sur un post sur Threads (et oui, encore 😮💨), et je pense qu’il faut qu’on en parle…
Voici donc le post en question (invisibilisé, pour des raisons évidentes) 👇 Ayant été élevée dans le respect, ayant appris à ne pas dire « c’est pas bon » mais plutôt « je n’aime pas » et ayant conscience que l’objectivité, quand on parle de livres en particulier ou d’art en général, est (quasiment) impossible, j’ai tenté une réponse à cette personne – réponse que voici 👇
J’aurais pu ajouter que l’objectivité, d’après la définition du Larousse (et la première qu’on trouve en faisant une petite recherche très rapide), est la « qualité de quelqu’un, d’un esprit, d’un groupe qui porte un jugement sans faire intervenir des préférences personnelles ». Je me suis contentée de lui rappeler que ses goûts sont forcément subjectifs, puisqu’ils lui appartiennent et ne sont pas forcément ceux des autres, ce qui n’a apparemment pas suffi… 😒
En tant que correctrice professionnelle, ce genre de réflexion sur la conjugaison (ou l’orthographe) comme un critère « objectif » me fait toujours bien rire. Tout ouvrage, quel qu’il soit, est susceptible de comporter des erreurs, des fautes, des coquilles. Et c’est tout à fait normal ! Ce n’est donc pas un critère « objectif » valable. Sans compter que, pour une malheureuse faute de conjugaison, on va juger d’une œuvre dans son intégralité et en dire quelle est « mauvaise » ? Mais qui est cette personne pour juger qu’une petite erreur rend l’œuvre entière « mauvaise » ? Est-elle parfaite ? Bien sûr que non, rien ni personne ne l’est ! 🤷♀️
Pourtant, ce n’est pas la première fois que je vois ce pseudo argument des critères « objectifs » en littérature. Et je pense qu’il est largement temps de le rappeler : l’objectivité pour ce qui est d’une critique d’œuvre artistique (littéraire ou non, donc) n’existe pas. Il y a bien sûr des critères pour « classifier » une œuvre (un courant littéraire, musical, artistique en général), mais quand on parle de critique, de chronique ou d’avis sur une œuvre, on ne peut plus parler d’objectivité.
Quand, par exemple, on regarde un film ou une série, on sera forcément touché différemment par la musique, le jeu des acteurs, le scénario, la mise en scène, la lumière,… De même, quand on lit un livre, les personnages, l’histoire, l’intrigue ne nous « parlerons » pas de la même manière qu’une autre personne qui le lirait au même moment. Pourquoi ? Simplement parce que nous avons toutes et tous un passé, une éducation, un vécu, des croyances différents, et dont on ne peut pas se détacher. C’est un processus inconscient, on sera forcément influencé par notre passé, nos expériences. C’est comme ça, c’est normal 🤷♀️
Par exemple : je n’ai aucun problème pour lire quasiment tout et n’importe quoi, et pourtant 2 romans dans un même genre littéraire, écrits de la même manière, avec le même type d’intrigue, par la même personne (même auteurice) ne me toucheront pas de la même façon en fonction du moment où je les lis. L’un sera un coup de cœur, quand l’autre restera simplement une bonne lecture. « Objectivement », ce sont les mêmes codes qui les régissent, mais je ne les reçois pas de la même façon. Et c’est normal ! Parce que quoi qu’on fasse, je le rappelle, nos émotions, nos ressentis, notre vécu sont toujours là, sous-jacents. On ne peut jamais être totalement objectif devant une œuvre artistique 🧐
L’objectivité en littérature supposerait qu’il y ait des codes figés desquels l’œuvre littéraire ne pourrait pas sortir. Et pourtant, les sous-genres sont tellement nombreux qu’on pourrait difficilement en faire une liste exhaustive ! Sans compter les mélanges de sous-genres qui nous font tomber parfois sur des Objets Littéraires Non Identifiés, qu’on a du mal à mettre dans des cases prédéfinies ! 🤯
Alors, « objectivement », sur quoi devrait-on se baser pour juger de la qualité d’une œuvre ? Quels critères réellement objectifs seraient à prendre en compte ? La conjugaison, comme le préconise cette personne ? Mais alors, le roman de Daniel Keyes, « Des fleurs pour Algernon », dont l’écriture commence dans un style très pauvre et bourré de fautes, serait qualifié de « mauvais » dès ses premières lignes ? Mais si l’orthographe et la conjugaison ne doivent pas être pris en compte pour cette œuvre, pourquoi ce serait un critère valable pour les autres ? Et que dire de ces romans considérés aujourd’hui comme des « classiques » alors qu’ils étaient jugés comme bons à jeter par leurs contemporains ? Quels sont donc ces critères objectifs qu’on devrait prendre en compte pour décider qu’une œuvre est « bonne » ou « mauvaise » ? 🤔
C’est simple : ils n’existent pas. Quand on parle d’un domaine artistique, l’objectivité n’a plus sa place, seule notre propre subjectivité doit être questionnée : pourquoi aime-t-on ou n’aime-t-on pas telle ou telle œuvre ? Quels sentiments ressortent quand nous la regardons, l’écoutons, la lisons ? Et surtout, comment partager ce ressenti ?
Parce que le cœur du problème, à mon sens, est là. Ce n’est pas de savoir si « objectivement » ou non une œuvre est « bonne » ou « mauvaise », c’est de savoir si NOUS l’apprécions ou pas, et pourquoi. Et surtout nous devons garder en tête que lorsque nous partageons notre avis, il ne reste que NOTRE avis, PERSONNEL, parfois partagé par d’autres, parfois non 🤷♀️
Dans tous les cas, « c’est mauvais » n’est pas un argument. « C’est mauvais » n’est qu’un jugement de valeur négatif, qui n’apporte rien à qui que ce soit. Dire « c’est mauvais », c’est ne pas respecter l’œuvre, l’auteurice et, dans le cas de la littérature en particulier, les lecteurices qui ne partageraient pas cet avis. Quand vous parlez d’un ouvrage que vous n’avez pas apprécié, c’est VOTRE ressenti que vous partagez, pas une formule mathématique qui, elle, objectivement, sera juste ou fausse puisque 2 + 2 = 4 et pas 5 ou 3 (jusqu’à preuve du contraire…).
En revanche, dire « je n’ai pas aimé ce livre » est tout aussi valable que si une autre personne dit « j’ai aimé ce même livre ». « C’est mauvais », c’est juger les goûts des autres et c’est clairement un manque de respect, rien d’autre 😤