Et si on parlait… Légitimité d’une classification de la littérature « jeunesse / ado / Young Adult »

Et si on parlait...

Bonjour bonjour ! 😄 Et oui, me revoilà avec un nouvel article « Et si on parlait ?… » Et aujourd’hui, j’aimerais bien aborder la question de la « vraie » littérature, et de l’utilité, ou non, de classifier les livres selon des catégories, parfois floues mais pourtant bien présentes à nos esprits de lecteurs. Oui, deux sujets en un, parce qu’à mon avis indissociables 😜

Tout récemment, dans les commentaires d’une vidéo de Audrey – Le Souffle des Mots (chaîne que je vous recommande chaudement pour sa qualité 😊), un monsieur se pensant bien informé a laissé un commentaire que je qualifierais de carrément inutile. Pourquoi commenter une vidéo en commençant par, je cite : « j’ai un peu la flemme de me taper 20 minutes de vidéo » ? 🤔 Qu’est-ce qui donne le « droit » à cette personne de laisser un commentaire (plutôt long d’ailleurs) pour dire, en résumé, que « je n’ai pas regardé mais tu dis n’importe quoi » ? C’est quand même original, vous ne trouvez pas ?

Ça m’a fait immédiatement réagir. De quel droit se permet-on d’écrire ce genre de chose ? Si tu ne regardes pas, ne commente pas, c’est pourtant simple ! Apparemment, pas pour cette personne…

La vidéo en question aborde la question du clivage « littérature ado / littérature adulte ». Personnellement, je l’ai regardée, lisant moi-même avec plaisir des livres « pour ados » comme « adultes ».

Cet jeune homme, dans son commentaire sans intérêt si on ne regarde pas la vidéo, fait une distinction entre la littérature jeunesse, donc destinée aux « jeunes » (mais sans préciser à quel âge on cesserait d’être « jeune » pour enfin lire quelque chose de « valable »…), et la « Littérature » (oui, avec un L majuscule, histoire de bien marquer la différence entre une littérature « bas de gamme » et la « vraie » littérature…), celle « qu’on étudie, qu’on analyse » (les étudiants en lettres qui font des mémoires sur les livres « jeunesse » vont apprécier 🙄). Toujours d’après cette personne, il ne s’agirait pas d’âge mais de « maturité » ou de « niveau de compréhension des textes ». Ok… donc si à 13 ans je lisais des livres « adultes » et que aujourd’hui, à 41 ans, je lis des livres « jeunesse », cela fait de moi une personne moins mature à 41 ans qu’à 13 ? 🤔

« Le but n’est pas de pointer du doigt les gens lisant de la littérature jeunesse, tant qu’ils ne lisent pas que ça. » Ah ben oui ! Donc si un adulte ne lit que de la littérature jeunesse, on a le droit de le pointer du doigt ? C’est ça ?…

Et cet adolescent de 15 ans (parce que OUI, c’est un ado !) d’ajouter : « une littérature plus complexe permet de ressentir un panel d’émotions beaucoup plus varié qu’une littérature plus simple […] » ; ok, il n’a donc rien compris au film… Parler de « littérature simple » ou « complexe », c’est surtout méconnaître ne serait-ce que la définition du mot « littérature », qui est : « un ensemble d’œuvres écrites ou orales auxquelles on reconnaît une valeur esthétique ». Qui a parlé de simplicité ? Personne, à part cette personne qui commente avec ses préjugés bien ancrés et son sens de l’esthétique très personnel…

Pour ce genre de personne, la classification « Young Adult » ou « ado » n’a pas d’intérêt, puisque, encore une fois je le cite : « des livres « adultes » qui traitent de l’adolescence, il y en a des centaines et des milliers. » Cette personne se permet même d’ajouter qu’un livre « adulte » permettrait de ressentir beaucoup plus d’émotions qu’un livre « ado ». Ah bon ? Voilà, c’est bien ce que je disais, cette personne n’y connaît absolument rien… Pire ! Il se permet de juger ce qu’il ne connaît pas !

D’après ce jeune homme bien prétentieux, et pour beaucoup d’autres encore aujourd’hui, tout ce qui n’est pas de la « vraie littérature » (donc des livres écrits par des adultes, pour des adultes, traitant de sujets « sérieux ») n’a pas de valeur.

Je dis STOP ! Qui décide de ce qui est « valable », « vrai » ? Qui décide de ce que nous devons lire, quel que soit notre âge ? Personne n’a à nous dicter nos choix !

Ce genre de commentaire, vous l’aurez compris, a tendance à m’énerver quelque peu 😅 Je ne supporte pas cet élitisme « petit bourgeois » qui voudrait culpabiliser les lecteurs de ne pas lire les « bons » livres 😡

Parce que non, il n’y a pas de « vraie » littérature ! Ça n’existe pas ! Il y a des livres qu’on apprécie, d’autres non, c’est une question de sensibilité avant tout (et je vous renvoie d’ailleurs à mon article sur les critiques négatives, qui est en partie lié à celui-ci 😉).

Ce genre de commentaire est typique de personnes qui ont oublié ce que signifie être jeune, adolescent, se poser des questions sur notre vie, notre avenir, notre sexualité peut-être aussi. Ce genre de personne ne prend pas en compte que notre psyché grandit en même temps que nous, et ne cesse d’évoluer tout au long de notre vie. La période de l’adolescence en particulier est synonyme de changements, et pas seulement physiologiques ! Un adolescent n’a en effet pas forcément la « maturité » nécessaire pour comprendre certaines œuvres, vues comme « légitimes » par une pseudo élite. Pour autant, cet adolescent lambda n’a-t-il pas droit lui aussi à sa part de littérature ?

Le pire ici, c’est que c’est un ado de 15 ans qui critique une littérature qui, à la base, est destinée à sa tranche d’âge ! C’est peut-être ce qu’il y a de plus triste dans les commentaires que cet ado a laissé sous la vidéo d’Audrey : il a la prétention de tout savoir, alors qu’il a encore tant à découvrir ! Il se bride lui-même sous prétexte que la littérature « adulte », « plus complexe », lui permet de ressentir plus d’émotions ! Un adolescent qui lit des auteurs classiques, c’est assez rare, et c’est clairement à encourager. Pour autant, il ne faut pas se limiter ! Il faut oser découvrir d’autres choses, d’autres plumes, plus « simples », peut-être, mais en refusant une littérature qui serait adaptée à son « âge », il se ferme à beaucoup de choses, y compris à une certaine vie sociale !

Et un adolescent lambda ou un jeune adulte qui ne lisent pas de « grands auteurs », comment s’y retrouveraient-ils au milieu de toute cette littérature si les livres qui lui sont destinés n’étaient pas estampillés « ado » ou « Young Adult » ? Je suis bien consciente que ces catégorisations sont assez floues et n’ont pas vraiment de « cases à cocher » à proprement parler pour décider de ce qui y entre ou non, des thèmes qui lui sont propres. La littérature « ado » aborde de nombreux sujets, qu’il s’agisse de fictions, au sens de fantasy et/ou fantastique, ou de récits plus réalistes, et a une manière bien à elle de le faire. On écrit pas, par exemple, un roman contemporain à destination des ados comme un roman « adulte », les thèmes en sont différents, et la manière de les aborder également. En effet, et seulement là, je suis en partie d’accord sur cette question de maturité. La manière d’appréhender telle ou telle œuvre, tel ou tel sujet, est propre à chacun.

Il reste toutefois un problème : la question de l’âge. En gros, la littérature « jeunesse » serait à destination des plus jeunes, jusqu’au début de l’adolescence, dont la période est tout de même complexe à définir… Quand on cherche un minimum quels âges définissent l’adolescence, personne n’est d’accord sur ce point : de 8 à 15 ans ? De 10 à 19 ans ? L’écart est quand même important ! Et donc, la littérature « jeunesse » serait adaptée aux enfants jusqu’à 8-10 ans. Et après ? Devrait-on lire des livres « adultes » à 10 ans ? J’en doute fortement !

Ainsi, cette catégorisation « ado / Young Adult » trouve ici toute sa légitimité, à cette période où on n’est plus un enfant, mais pas encore un adulte. Les sujets abordés dans ces livres évoquent des préoccupations qui sont propres à cet « âge ». Évidemment, cela ne veut pas dire qu’une fois « adulte », on ne devrait plus lire de livres « pour ado » ! D’ailleurs, encore une fois, à quel âge devient-on un adulte ? À 18 ans, avec le droit de vote ? Lorsqu’on quitte ses parents pour son propre appartement ? Lorsqu’on commence à travailler ? « Adulte » n’est pas un âge !

Refuser cette catégorisation de la littérature en général, c’est ignorer volontairement ces questions pourtant indispensables ! Refuser cette catégorisation sous prétexte que « des adultes écrivent des livres parlant de l’adolescence », c’est nier l’importance de l’évolution psychologique de chaque âge. Si des livres « parlent de l’adolescence », ils ne parlent pas forcément AUX adolescents ! N’est-il pas important, aujourd’hui comme depuis toujours, que chacun trouve le livre qui lui convient ? N’est-il pas important que des adolescents, auxquels on reproche toujours de ne pas lire (c’est bien mal les connaître…), puissent justement trouver des ouvrages qui sont écrits POUR eux ? Des ouvrages de qualité, quoi qu’en pensent certains ! Parce que non, littérature « ado » ne veut pas dire « littérature bas de gamme » !

Le pire, avec ce jeune homme qui a inspiré mon article, c’est son âge. 15 ans et déjà si pédant, c’est triste ! Il a découvert, d’après lui, Camus, ce qui a « changé sa vie ». J’ai envie de lui répondre : écoute, tant mieux ! J’ai lu aussi du Camus, des auteurs classiques, j’y reviens parfois. Pour autant, je ne dénigre pas les lectures des autres ! 

Je pense également revenir un jour avec un autre article sur la question de cette « vraie » littérature VS la littérature de fiction (qualifiée très souvent par les défenseurs de la « vraie » comme une littérature « bas de gamme »), parce que là aussi, il y a beaucoup à dire 😑

Le plus important, finalement, est de lire ce qui vous plaît, ce qui vous permet de vous évader quand vous en avez besoin, ce qui vous parle, quel que soit votre âge ! Laissons ces « bien-pensants » à leurs petites pensées étriquées et ouvrons notre esprit aux belles histoires, quelles qu’elles soient 🥰