Et si on parlait… « sensitivity readers » et censure 🤫

Et si on parlait...

Après les romans d’Agathe Christie, réécrits pour supprimer toute expression sur le physique ou l’origine des personnages qui pourrait être offensante (sans oublier son roman « Les dix petits nègres » rebaptisé « Ils étaient dix » en 2020)… 🙄

Après les romans de Roald Dahl, également réécrits pour y supprimer, là encore, les mots et expressions offensants… (d’après Puffin, éditeur de l’auteur en Angleterre, cela signifie les termes « liés au poids, à la santé mentale, à la violence, au genre et à l’ethnie » qui sont « supprimés et reformulés » autrement dire que tout ce qui fait un être humain est nié…) 🙄

Après « Autant en emporte le vent », dont la nouvelle édition de 2022 propose en ajout un avertissement sur le contenu potentiellement offensant du roman, qui prévient en contextualisant – choix que l’éditeur français de Roald Dahl a également fait (et choix que, personnellement, je préfère et de loin)…

Je me devais d’écrire ENFIN un article sur ce que je pense, personnellement, des « sensitivity reader » et de cette censure du « politiquement correct », parce que j’ai des choses à dire…

Pour ce qui est des « sensitivity readers », ou « lecteurs sensibles », je comprends, en partie, l’intérêt de faire appel à eux. En partie seulement, parce que quand ça va jusqu’à estimer que « oriental », « juif » ou « marbre noir » sont des termes offensants, il y a une limite à ne pas franchir 🙄 Brut en a fait un reel en avril sur Instagram à propos des romans d’Agatha Christie (je peux vous envoyer le lien sur Insta, il suffit de demander), et ça m’a particulièrement choquée.

Le travail des « sensitivity readers » est donc de détecter et de signaler tout terme ou expression potentiellement offensant ou désobligeant, en particulier pour les communautés minoritaires (reste à définir ce qu’on appelle « communauté minoritaire », d’ailleurs…). Sur le principe, j’adhère. Je n’aurais pas envie de lire un roman ouvertement raciste ou homophobe, si tant est qu’il soit publié (via une maison d’édition, évidemment) 🙄

Comme je le disais, sur le principe, je suis tout à fait d’accord. Ce qui me dérange, c’est quand des ayant-droits (comme dans le cas des romans d’Agatha Christie ou ceux de Roald Dahl) se permettent de réclamer une réécriture totale de textes écrits à une certaine époque, sous prétexte que « gros », « noir » et j’en passe sont potentiellement offensants et qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent (comme j’ai pu lire dans un commentaire peu respectueux sur la même publication Insta dont je parlais plus haut). Sauf que tout et n’importe quoi peut offenser n’importe qui, tout est question de perception ! Et c’est propre à chacun ! 

Personnellement, quand je lis que ces romans ont été réécrits pour être moins « offensants », je suis moi-même offensée ! Il y a une ÉNORME (voilà un terme problématique…) différence (encore un…) entre des romans écrits à une certaine époque, et qui reflètent cette époque à leur manière, et des romans écrits aujourd’hui, avec les normes et attentes actuelles ! Réécrire ces œuvres, c’est tout simplement les censurer, les lisser, nier l’Histoire et les mœurs de l’époque, et ÇA, c’est offensant 😤

Si je comprends l’intention derrière les « sensitivity readers » pour des romans écrits à notre époque, où l’on prête davantage attention (parfois trop) à ne froisser personne, pourquoi réécrire des textes plus anciens ? Quelle légitimité ont ces ayants-droit, et certains « sensitivity readers », qui se permettent de juger une œuvre sans tenir compte du contexte ?

Parce que oui, tout écrit s’inscrit dans un contexte particulier, dans une période marquée, par exemple, par une guerre, par des attentats, par des changements politiques et sociaux, et tout écrit reflète cette période. Nous n’écrivons pas aujourd’hui sur la société comme pouvait le faire Zola, auteur devenu classique aujourd’hui et pourtant méprisé à son époque, c’est évident. Pour autant, ces romans nous ouvrent une porte vers une période que nous n’avons pas connue.

Ce négationnisme des censeurs de la « bonne pensée » a tendance à m’agacer fortement (je pense que ça se voit 😅). D’autant que j’ai pu lire des commentaires sur Instagram, notamment à propos des romans d’Agatha Christie, que « oh c’est pas grave, on les trouve partout en occasion »… 😳 Ah ! Donc parce que ces romans ont connu de nombreuses rééditions (et traductions) au fil des années, on se fiche de savoir quand ils ont été écrits et ce qu’ils disent de leur époque ? Parce qu’on les trouve partout, personne n’achètera les nouvelles versions ? 🤣 (<- rire jaune, évidemment… 😑)

Cette forme de censure (parce que oui, c’est bien de la censure) est plus insidieuse, dans le sens où on ne brûle pas de livres, on ne les retire pas des rayons des librairies ou des bibliothèques, on ne dit pas « il ne fait pas les lire, ils sont mauvais pour nos petits esprits », non ! Pire, on les remplace petit à petit par des versions jugées plus « inclusives » ! Inclusives en quoi ? Comment comprendre l’évolution d’une société si on réécrit son histoire ? Comment comprendre les avancées en termes d’acceptation des différences si on ne montre pas d’où on vient ? Comment justifier cette censure, si tant est que la censure soit justifiable ?

Si je n’ai rien contre les « sensitivity readers » en général, je dois dire que j’en ai marre de lire ou d’entendre des gens se plaindre pour le moindre petit mot qui les dérange. Une booktubeuse dont je ne dirais pas le nom a même été jusqu’à qualifier le roman de Stuart Turton, « Les sept morts d’Evelyn Hardcastle », de grossophobe, sous prétexte que l’auteur y fait une description peu flatteuse d’un personnage particulièrement obèse (dont la peau des cuisses frotte lorsqu’il marche et qui a de grosses difficultés à se déplacer ou à respirer, entre autres). Pardon mais, étant moi-même en surpoids, je peux le dire : c’est une réalité ! Ayant lu ce roman (en audio et en papier, donc 2 fois !), j’ai au contraire trouvé que l’auteur était très juste dans ses descriptions, et je ne me suis pas sentie offensée pour autant. Bien sûr, ce n’est que mon ressenti personnel. Mais de là à parler de grossophobie, il y a un monde !

Je regrette d’ailleurs que cette booktubeuse n’ait pas daigné répondre à mon commentaire (pourtant respectueux) sous sa vidéo. Comme quoi, la censure peut avoir différents visages. Ne pas répondre peut s’apparenter à une tentative d’invisibilisation d’un avis divergent… 

Vous l’aurez compris, je ne cautionne pas cette aire du « politiquement correct ». Éviter d’offenser qui que ce soit est louable à plus d’un titre, mais il faut garder à l’esprit que nous sommes tous différents et que nous avons donc tous une expérience de la vie qui nous est propre. Jamais on ne pourra contenter tout le monde, jamais on ne pourra lisser l’Histoire pour en faire un monde idéal où « tout le monde il est beau tout le monde il est gentil ». Il serait temps d’en prendre conscience…