J’avais prévu de faire un article un peu spécial depuis un moment, mais je n’avais pas encore trouvé le temps. Aujourd’hui, il me semble encore plus urgent « d’éveiller les consciences » (si nécessaire) sur ce qui devrait et ne devrait pas être, particulièrement concernant les droits des femmes. J’avais prévu un article sur le féminisme, qui ne sortira finalement pas, ou pas maintenant. Les récents événements aux États-Unis ont changé la donne…
Le vendredi 24 juin 2022, la Cour Suprême des États-Unis d’Amérique a décidé d’annuler l’arrêt Roe vs. Wade, qui octroyait le droit aux femmes d’accéder à l’IVG. L’idée est désormais de laisser le choix aux différents États de légiférer sur la question. Ainsi, l’avortement, déjà fortement controversé dans les États les plus conservateurs, pourrait devenir illégal dans presque la moitié du pays.
Cette carte datée du 25 juin, donc le lendemain de la décision de la Cour Suprême, montre déjà que, même si les États ayant pris le parti de l’interdiction sont relativement peu nombreux (13 sur 50), ceux qui vont désormais limiter ou inciter fortement à ne pas avoir recours à l’IVG sont eux trop nombreux : 27 ! Plus de la moitié des États ! C’est gravissime !
Cette décision m’a profondément choquée, démontrant un recul total des mentalités et une négation abjecte des droits des femmes. Ce droit à l’avortement était entériné depuis 1973. Presque 50 ans… Aujourd’hui, on retire aux femmes le choix d’être mère ou non, quelles que soient les circonstances ou presque. On leur retire leur voix, on leur refuse leur souffrance, on les nie en tant qu’êtres humains pour n’en faire que des incubateurs. « T’es tombée enceinte ? C’est ton problème, ce gosse que tu ne désires pas, tu vas le garder ! Et je ne veux rien entendre, je me fiche pas mal de savoir comment c’est arrivé ni comment tu vas l’élever ! Ce n’est pas mon problème ! » Voilà ce que ça veut dire, ni plus ni moins ! On retire leur libre-arbitre aux femmes ! C’est inadmissible !
Je n’ai pas de mots pour exprimer à quel point cela me met en colère et m’attriste… Je n’ai pas d’enfant, je n’en souhaite pas, c’est mon choix. Mon corps, mon choix. Ces mots n’ont jamais eu autant d’importance qu’aujourd’hui, alors que des soit-disant bien-pensants veulent décider de la vie des femmes à leur place.
En 2022, dans une société dite civilisée, on ne devrait pas avoir à lire ou entendre ce genre de chose. Ça ne devrait plus exister. On ne devrait pas retirer un droit humain fondamental pour des questions religieuses. Parce que ce n’est que ça ! Pour des questions idéologiques, on va obliger des femmes à faire ce qu’elles ne veulent pas ! Le mot est fort, mais c’est de l’intégrisme ! Et ne nous y trompons pas, si cela arrive aujourd’hui aux États-Unis, cela peut très bien arriver demain chez nous, en France !
Il est primordial aujourd’hui d’ouvrir les yeux, si ce n’est déjà fait, sur ces violences que subissent les femmes, simplement parce qu’elles sont des femmes. Je suis persuadée que cela passe par l’éducation (et évidemment par ne pas se laisser faire quand on veut décider à notre place !). Il est donc, à mon sens, de la plus haute importance de se tourner vers des lectures qui pourront faire évoluer les mentalités, et d’en parler autour de nous.
Avant de vous laisser à mes petites recommandations, une dernière précision. Récemment, en réponses à des commentaires que j’ai pu poster sur des publications diverses, j’ai eu droit à plusieurs reprises de la part d’hommes que je ne connais pas à des « ma belle », « ma grande », « ma chérie »… Bref, vous voyez le genre. Et bien c’est une forme de violence. Et oui ! Violence verbale, psychologique, une façon de rabaisser la femme. Malheureusement, il est encore difficile de le faire comprendre. On m’a même dit en message privé que ce genre de propos « c’est pas un truc énorme » 😳 Alors oui, il y a pire, mais toute violence est à proscrire ! Et malheureusement, aujourd’hui, ce genre de violence « pas énorme », ces propos – qui pourraient sembler anodins mais ne le sont pas, surtout quand ils viennent d’hommes que vous ne connaissez pas – ne sont pas pris en compte sur les réseaux sociaux. Ainsi, chacun est toujours libre de rabaisser ainsi quiconque n’aurait pas les mêmes idées et opinions. Espérons que les choses changent à l’avenir, il faut y croire 🤞
Voilà pourquoi je voulais aujourd’hui partager quelques lectures qui m’ont marquée et/ou que je trouve particulièrement « parlantes » concernant la place que la société patriarcale laisse aux femmes encore aujourd’hui.
Commençons par quelques essais avant de nous pencher sur les romans.
« Histoire de la misogynie – Le mépris des femmes de l’Antiquité à nos jours » de Adeline Gargam et Bertrand Lançon
Cet essai, parfois un peu ardu il est vrai, s’intéresse à la misogynie, à la manière dont même certaines femmes l’ont intériorisée au fil du temps, et interroge les mécanismes à l’œuvre pour mieux comprendre ce mépris des femmes. Particulièrement intéressant, j’ai beaucoup apprécié ce livre que j’ai trouvé très instructif. J’en remercie d’ailleurs Nicolas Beuglet, qui en parle dans les remerciements de son deuxième roman, « Complot ». Comme quoi, être féministe n’est pas réservé aux femmes !
« Sorcières – La puissance invaincue des femmes » de Mona Chollet
J’ai l’impression que tout le monde connaît déjà cet essai… Je lui ai consacré un article il y a un moment (que vous pouvez retrouver ici), peut-être un peu court étant donné le sujet. Mais le mieux est encore de lire ce livre et de vous en faire une idée. Mona Chollet, dans un style très abordable, explique que la figure de la sorcière a évolué au fil du temps pour devenir l’archétype de la mégère tel qu’on le connaît aujourd’hui. Ainsi, qualifier une femme de sorcière a aujourd’hui une connotation particulièrement négative, mais ça n’a pas toujours été le cas. En passant de l’image de la guérisseuse respectée à la sorcière maléfique, la femme a perdu son droit à la différence, à avoir une opinion, à faire ses propres choix. Les événements récents nous montrent bien ce qu’il en est…
« Beauté fatale » de Mona Chollet
À nouveau un essai de Mona Chollet, mais ici, l’auteure se concentre sur la question du paraître, et en particulier pour les femmes. En effet, bien ancrée dans les esprits existe une injonction inconsciente qu’une femme doit être habillée de telle ou telle façon, maquillée mais pas trop, sexy mais pas trop, et surtout ne jamais ô grand jamais se montrer sous un mauvais jour ! Les choses commencent tout doucement à changer. Tout doucement…
« Mythes et meufs » de Blanche Sabbah
Un « essai graphique » dont j’ai également parlé dans un article (par ici), où Blanche Sabbah, grâce à des dessins très colorés, beaucoup d’humour, mais surtout des connaissances pointues, montre à quel point le patriarcat est ancré dans les esprits, y compris à travers la pop culture. Ce n’est un secret pour personne que « les poupées et le rose, c’est pour les filles, les voitures et le bleu pour les garçons »… Les différents mythes et les contes racontés aux enfants, et que nous connaissons tous ou presque, ne sont pas innocents dans cette vision du monde où le héros est forcément un homme… « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », ça vous parle forcément… Il est grand temps de prendre conscience de ce que ces histoires ont de fabriqué pour maintenir les femmes dans une certaine position !
Il existe évidemment bien d’autres ouvrages sur le sujet, et il est toujours intéressant de jeter un œil aux bibliographies en fin d’ouvrages pour trouver d’autres références à lire. Je ne vous propose ici qu’une toute petite sélection de livres que j’ai aimés.
J’aimerais y ajouter quelques romans que j’ai particulièrement appréciés pour leur réalisme concernant les violences faites aux femmes, ou pour la réflexion qu’ils engendrent sur la condition féminine et sur les relations possiblement toxiques entre homme et femme. Là encore, la liste est longue, je ne vous propose qu’une sélection de livres que j’ai particulièrement appréciés.
« Femmes en colère » de Mathieu Menegaux (roman contemporain)
Dans cet ouvrage que j’ai trouvé très original, Mathieu Menegaux nous amène en salle de délibération en compagnie du jury de Cour d’Assises chargé de juger Mathilde Collignon, accusée de s’être vengée des deux hommes qui ont abusé d’elle. Entrecoupé d’extraits du journal de Mathilde, le lecteur cherche à comprendre les faits et à se faire une opinion sur l’affaire. Mathilde doit-elle être jugée coupable ? Quelle peine encourt-elle ? Quel verdict sera le plus juste ? J’ai eu beaucoup de mal à me faire une opinion tranchée, preuve que les choses ne sont jamais simples. J’ai eu un coup de cœur pour ce livre, très dur mais très prenant, dont la fin m’a beaucoup surprise. Un roman indispensable, à mon sens.
« Ces orages-là » de Sandrine Collette (roman contemporain)
J’ai découvert ce roman de Sandrine Collette en livre audio en mai 2021, et ça a été un véritable coup en plein cœur. Je suis tombée sur un exemplaire en format poche dans une librairie d’occasion, et évidemment, je l’ai acheté, et relu. Le coup de cœur s’est confirmé, malgré le sujet particulièrement difficile. Dans ce court roman presque sans dialogues, l’auteure nous invite à suivre Clémence, jeune femme de 30 ans qui tente de se reconstruire après une relation extrêmement toxique dont elle a beaucoup de mal à se remettre. Je ne vais pas m’attarder sur ce roman ici, je compte en effet lui consacrer un article prochainement.
« La servante écarlate » de Margaret Atwood (dystopie)
Est-il encore nécessaire de présenter ce roman de Margaret Atwood, ou la série qui en a été tirée ? Au vu des événements récents dont je parle en début d’article, ce livre refait surface (façon de parler, il n’a jamais été « enterré » et fait toujours beaucoup parler de lui) dans nombre de commentaires. Dans cette dystopie où ce qui semblait être l’Amérique est devenu Gilead, une société basée sur une vision des Évangiles extrêmement patriarcale, les femmes n’ont plus aucun libre-arbitre. Tout en bas de l’échelle sociale se trouvent les servantes écarlates, qui ne sont là que pour enfanter à la place des femmes des dirigeants. Elles n’ont aucune autre utilité… Ce roman est glaçant de par sa manière d’aborder le sujet : à travers la voix d’une de ces servantes. Lui aussi a eu droit à son article, que je vous invite à lire ici. Si vous préférez, je vous conseille également la série, dont la première saison se base sur ce livre. C’est… effrayant de réalisme.
« Vox » de Christina Dalcher (dystopie)
À nouveau un livre dont j’ai déjà parlé (ici) mais dont je n’ai pas assez entendu d’échos sur les réseaux à mon goût. Dans ce roman dystopique, Christina Dalcher nous emmène dans une Amérique où les femmes ont perdu le droit à la parole. Enfin, presque… Elles ont droit à 100 mots par jours, pas un de plus ! Autant dire rien du tout. Jusqu’au jour où on a besoin de l’une de ces femmes pour venir en aide au frère du Président… Ce roman m’a mis une claque tant il est réaliste. L’auteure y questionne l’importance du langage et la place laissée aux femmes dans l’espace public, mais également dans la sphère privée. Un roman page-turner à lire absolument.
« La cave aux poupées » de Magali Collet (thriller)
Je veux parler de ce roman de Magali Collet depuis longtemps, mais sans trouver les mots. Dans ce récit glaçant, l’auteure nous fait partager le quotidien de Manon, jeune adolescente qui vit seule avec son père. Enfin, seule, pas totalement, puisqu’elle est chargée de surveiller la jeune fille prisonnière à la cave… Entre inceste, maltraitances diverses, violences diverses et interrogations légitimes de Manon sur ce qu’est sa vie, ce livre ne laisse pas indifférent. J’ai été frappée par le style de l’auteure, et j’ai eu du mal à en vouloir à Manon pour ses actes, bien que particulièrement affreux. Je ne le conseille pas à tout le monde tant il est dur à lire, mais si vous avez l’estomac bien accroché, il en vaut clairement la peine.
« 13 reasons why » de Jay Asher (contemporain ado)
Ma découverte de ce livre « pour ados » s’est faite d’abord grâce à la série Netflix du même nom. Il a également eu droit à son article, ici. C’est d’ailleurs l’un de mes plus anciens… La première saison correspond au roman, mais les saisons suivantes suivent une logique bien pensée par rapport aux premiers évènements. Ici, la voix principale est portée par Hannah à travers une série de 7 cassettes, dont chaque face est destinée à une personne qui est en partie responsable de son suicide. La série tout comme le livre ont pour but de montrer que même les petites méchancetés qui peuvent paraître sans conséquence, les mots qu’on dit pour blesser sur le moment, sur un coup de colère, peuvent avoir de graves conséquences, surtout quand on ne sait pas tout. Parce que Hannah ne s’est pas suicidée uniquement à cause de ça, mais tous ces petits « riens » se sont enchaînés et ont amené Hannah vivre le pire. À nouveau, le livre comme la série ne sont pas à mettre entre toutes les mains. D’ailleurs, avant chaque épisode, il est conseillé aux personnes fragiles de ne pas rester seul devant son écran, et surtout d’en parler. On ne le répétera jamais assez : il faut parler.
« L’année de grâce » de Kim Liggett (dystopie YA)
Encore un roman dont j’ai déjà parlé (ici), mais que je veux aborder ici. Dans cette dystopie Young Adult, Kim Liggett nous entraîne dans une société très patriarcale où les jeunes filles sont bannies pour une année entière lorsqu’elles atteignent 16 ans. Pourquoi ? Et bien parce qu’elles sont dangereuses ! Pour les hommes qu’elles vont irrésistiblement attirer, et pour les femmes qu’elles vont rendre folles de jalousie ! La solution : les exiler au cœur de la forêt pendant un an, et advienne que pourra, on verra le résultat à leur retour, si elles reviennent… J’ai adoré ce roman, dont l’histoire et ce qu’elle sous-entend (les jeunes femmes sont dangereuses pour ces messieurs pas du tout libidineux… n’est-ce pas…) ne peut laisser personne indifférent.
« Rouge » de Pascaline Nolot (conte revisité)
Dans cette revisite du conte du Petit Chaperon Rouge (dont j’ai également parlé ici), Pascaline Nolot aborde la question des premières règles et de leur représentation. Rouge est une jeune fille rejetée par tous ou presque, y compris son père, à cause de sa différence : elle porte une marque sur le visage qui lui a donné son nom, et que les villageois pensent être la marque du Malin. Mais lorsqu’elle a ses premières règles, elle doit faire comme toutes les autres avant elle : se rendre dans Bois-Sombre pour y rejoindre l’inquiétante Grand-Mère – ce qui arrange bien les villageois, puisque aucune de celles qui l’ont précédée n’est jamais revenue… Ce roman illustre parfaitement le rejet de la différence et la peur des hommes de ce qui leur est étranger (les menstruations, visiblement, c’est effrayant pour ces messieurs…). L’auteure aborde d’autres sujets dont le résumé ne parle pas, et je vais donc les garder pour moi. Toutefois, je conseille vivement ce livre pour les messages forts qu’il véhicule.
J’arrête ici mes recommandations, mais évidemment il y aurait beaucoup, beaucoup d’autres ouvrages à lire sur ces sujets. Ils sont légion et pourtant, il faut croire que les personnes qui véhiculent encore aujourd’hui des notions d’un autre temps ne lisent pas… Pas ces livres, c’est une certitude. C’est pourquoi il est nécessaire de lire ces livres, d’en parler, de partager, et avec un peu de chance, de faire évoluer les choses dans le bons sens 🤞